Le chef Mauro Colagreco dans le potager de son restaurant Le Mirazur à MentonLe chef Mauro Colagreco dans le potager de son restaurant Le Mirazur à Menton
©Le chef Mauro Colagreco dans le potager de son restaurant Le Mirazur à Menton|Matteo Carassale

Mauro Colagreco

Un chef passionné et audacieux

Mauro Colagreco est un chef passionné et audacieux qui a su casser les codes, et qui se bat sans relâche pour la sauvegarde de la planète, réussissant avec brio à concilier l’art de la table avec le respect de l’environnement et la santé.

Le Mirazur :

de la terre à l’assiette

Installé dans un écrin de verdure entre ciel et terre, à deux pas de la frontière italienne, le Mirazur offre une vue exceptionnelle et immersive à 180° sur le bleu azuréen de la Méditerranée et la picturale ville de Menton. Beaucoup plus qu’un restaurant triplement étoilé, le Mirazur est un laboratoire de gastronomie circulaire, un écosystème plaçant la nature au cœur de ses préoccupations. Il propose à ses hôtes une expérience gastronomique unique autour d’une cuisine inventive rythmée par le calendrier lunaire.

Rencontre avec le chef Mauro Colagreco
  • Quelles sont les raisons qui vous ont amenées à poser vos valises à Menton ?

    Nourrissant le projet de m’installer en province, je suis arrivé à Menton sur les conseils d’un ami par une belle journée ensoleillée et ai découvert cette magnifique maison des années 30 avec sa vue exceptionnelle. Je suis immédiatement tombé sous le charme du lieu et de la région. À l’âge de 28 ans, c’était un gros challenge de réouvrir cet établissement fermé depuis plusieurs années et de me faire un nom.

  • Comment définiriez-vous votre cuisine au Mirazur et quelle est votre source d’inspiration ?

    La Méditerranée est mon terrain d’expression. Si ma cuisine est teintée par les souvenirs olfactifs de mon enfance, par mes premiers pas dans ce métier et mes nombreux voyages où j’ai découvert des cultures culinaires très anciennes, des recettes populaires très diverses, des textures et des techniques très différentes, elle exprime ce riche terroir qui m’a ébloui et conquis. Je m’émerveille chaque jour des produits de cette région. Ma cuisine est une cuisine de fraîcheur, végétale, très personnelle et très libre. Je ne veux pas m’attacher à un plat signature, j’adapte mes menus en permanence, en fonction des arrivages. Depuis 2009 nous consignons tout ce que nos clients mangent afin de ne jamais leur proposer deux fois le même plat, c’est un challenge créatif permanent. L’agriculture est ma deuxième passion. La nature et nos 5 hectares de jardins potagers et vergers en permaculture et en biodynamie sont ma source d’inspiration quotidienne. En appliquant ces deux techniques nous arrivons à avoir une terre riche avec très peu de maladies. Évoluant entre différentes expositions, différentes altitudes entre la mer et les montagnes de l’arrière-pays Mentonnais, nos jardins nous permettent d’étendre la saison de production. Le climat clément favorise la culture d’une grande variété de plantes. Nos menus s’adaptent au rythme des  saisons et aux phases lunaires.

  • Quels produits locaux aimez-vous particulièrement travailler ?

    Je nourris une grande passion pour le cycle de la nature. Nos potagers et vergers sont le cœur du restaurant et de ma cuisine, je m’en inspire pour composer mes assiettes. Les huit jardiniers s’attèlent à garder les sols vivants, revaloriser les espèces oubliées et à cultiver des produits d’exception tels que les artichauts épineux, la  courgette trompette… qui fournissent la table du Mirazur à 60% de ses besoins, les autres produits venant de producteurs et maraîchers du terroir local. Racines, feuilles, fleurs, fruits de nos quatre univers viennent s’associer aux produits de la mer issus d’une pêche locale et responsable comme les « pistes », petits calmars fondant en  bouche ou les alevins de rochers que l’on a seulement 15 jours dans l’année. Côté montagne : des viandes d’élevage sélectionnées chez les fermiers des alentours comme les agneaux de transhumance au goût incroyable, les herbes sauvages, les champignons de mars à décembre. Je ramène toujours des graines de mes voyages, nous avons notre propre banc de semences.

  • Pourquoi vous êtes-vous lancé dans la démarche "Plastic Free" et combien de temps vous a t’il fallu pour arriver à ce résultat ?

    Quand on est soucieux de la nature, de tout ce qui la pollue, de ce qui va à l’encontre de la protection des espèces et de la biodiversité, on se mobilise ! Le plastique est une bataille de tous les jours. J’ai pris véritablement la mesure du problème il y a 6 ans lors d’un voyage en famille au Mexique, en découvrant au sein d’une réserve naturelle une plage paradisiaque jonchée de déchets plastiques. De retour au Mirazur, nous nous sommes réunis avec l’équipe pour réfléchir à la façon de supprimer le plastique. Le travail pour la certification Plastic Free* n’a pas été seulement de trouver des alternatives, cela a également mis en avant la possibilité de changer nos modes de consommation. Certaines habitudes que nous avions avec le plastique n’ont pas été remplacées mais totalement supprimées. Nous utilisons aujourd’hui des contenants plus durables ou avec un impact environnemental réduit  :  barquettes fabriquées à partir de produits végétaux et biodégradables, des sacs poubelles compostables, des boîtes rigides et durables avec couvercle pour éviter d’utiliser du film plastique… Ce sont trois ans de travail avant d’arriver à la certification pour impliquer nos équipes dans un premier temps, puis nos fournisseurs pour changer leurs méthodes de conditionnement et d’approvisionnement. Grâce à cette initiative, il y a eu la même année, à travers le monde, cinq cents demandes de restaurants désireux d’obtenir cette certification.

    *Le Mirazur a été le premier restaurant au monde certifié Plastic Free.

  • Avez-vous pris des mesures contre le gaspillage alimentaire ?

    Nous avons un système de compost au sein du Mirazur et de Casa Fuego, grâce à une proximité directe avec les jardins. Par ailleurs, les restes alimentaires qui le peuvent, comme les parures de myrtilles par exemple, sont utilisés par notre équipe de Recherche et Développement, pour les transformer en nouveaux produits : en vinaigres, en kombuchas, décoctions… afin de servir en cuisine par la suite !

  • Vous avez ouvert six autres établissements sur la Riviera*. Qu’est-ce qui vous pousse à toujours aller de l’avant et à diversifier votre offre ?

    J’ai à cœur de rendre la gastronomie responsable et circulaire accessible à tous, et montrer que l’on peut se faire plaisir sans avoir un impact négatif sur l’environnement, que ce soit autour d’un repas 3 étoiles au Mirazur ou d’une pizza de Pecora Negra.

    * Casa Fuego, Pecora Negra et Mitron Bakery à Menton, Riviera, Ceto et Riviera Playa au sein de l’hôtel Maybourne Riviera à Roquebrune-Cap-Martin

  • En 2020, vous avez été élu meilleur chef du monde par vos pairs de quelle manière vous employez-vous à maintenir cette excellence ?

    Ce fut la consécration de plusieurs années de travail… Nous cherchons à maintenir cette excellence en restant libres dans nos créations et en repoussant les limites de la créativité. Nous avons une équipe de Recherche et Développement au sein du restaurant avec laquelle nous travaillons de nouvelles idées, nouvelles techniques ou nouveaux produits. Nous ne nous enfermons pas dans ce qu’est le Mirazur à un instant donné, nous sommes toujours en mouvement, en évolution avec la liberté d’innover. Cependant je considère qu’être innovant et créer peut être également de réapprendre des traditions ancestrales ou réintroduire des variétés anciennes dans notre quotidien. Aujourd’hui, nous nous devons de répondre aux enjeux environnementaux auxquels nous faisons face, en étant innovant et créatif. L’alimentation et la manière de consommeer peuvent avoir un réel impact.

  • Quel regard portez-vous sur la cuisine actuelle ?

    Je suis convaincu qu’en tant que Chefs, nous n’avons pas qu’un rôle de cuisinier. Certes nous cherchons à faire plaisir à nos clients, mais nous devons aussi avoir un rôle de transmission, voire d’éducation sur le respect des produits, des saisons et  activer une prise de conscience pour un changement des modes de  consommation. Nous avons le pouvoir de changer les  choses dans nos assiettes, et de changer la gastronomie ensemble pour une alimentation circulaire plus respectueuse des hommes et de l’environnement.

  • Aujourd’hui qu’est-ce qui vous anime et avez-vous de nouveaux projets en cours ?

    Nous avons de nombreux projets en cours, qui touchent autant à la cuisine qu’à l’environnement, l’agriculture et l’éducation car tout est lié. La créativité et les perspectives durables de ces projets nous poussent à aller toujours plus loin dans nos engagements. J’aime l’idée que notre travail au sein de notre écosystème Mirazur puisse faire bouger des lignes et montrer l’exemple, pour laisser aux générations futures un monde meilleur.

Une cuisine colorée et de saison

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